Writing& style: ⭐⭐⭐⭐
Interest&reflective: ⭐⭐⭐⭐⭐
Characters and setting: ⭐⭐⭐⭐
Originality: ⭐⭐⭐⭐⭐
Reading experience: ⭐⭐⭐⭐⭐
General rating: ⭐⭐⭐⭐⭐
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Dans une société contemporaine, une nouvelle émission de télé-réalité voit le jour : "Concentration".
Des individus sont choisis de manière arbitraire et sont enfermés dans un camp de concentration, dirigé par des kapos recrutés pour l'émission. Les prisonniers portent maintenant un matricule, leur identité leur est retirée, et chaque jour, deux sont sélectionnés pour être exécutés... Ils n'ont aucune connaissance de ce qui est filmé ou non de leur quotidien dans ce camp, de ce qui passe sous l’œil des caméras des organisateurs, pour la plus grande délectation des téléspectateurs. Et pour faire grimper l'audimat, les organisateurs du jeu sont prêts à toujours plus...
Pannonique, matricule CKZ114, une étudiante de vingt ans, par sa beauté, son intelligence et son esprit rebelle, devient la favorite de l'émission : plus elle se révolte contre les organisateurs et les spectateurs, plus l'émission monte en popularité -contre son gré- .
Mais la kapo Zdena voit en elle son opposé et tombe amoureuse d'elle. Elle désire ardemment la connaître et lui éviter la mort.
Et face à l'intérêt toujours plus croissant du public pour la cruauté et à l'horreur, ce n'est pas une chose facile. Rien ne semble pouvoir enrayer la machine à audimat qu'est devenue "Concentration"...
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Il s'agit de ma première lecture de Amélie Nothomb, et j'avoue ne pas avoir été déçu. J'ai lu d'une traite les 203 pages qui composent le récit.
C'est cynique, c'est satirique, c'est mordant: le ton est acide et prenant.
La lecture se fait sur deux niveaux: ce qui s'est passé dans les camps sous le régime nazi, et ce qui pourrait se passer dans nos sociétés actuelles.
La déshumanisation des victimes, la cruauté des organisateurs, l'hypocrisie des spectateurs, de ceux qui voient mais ne font rien.
Critique de la télé-réalité, certes, mais aussi critique de notre propre inaction face aux horreurs qui passent dans notre quotidien.
Sur un simple choix des créateurs de l'émission, on pourrait être victime, ou bourreau.
Plus que de blâmer les organisateurs qui ont créé le camp ou les kapos qui le dirigent, c'est vers les téléspectateurs et leur hypocrisie que le récit se tourne:
"Je préfère celle qui me frappe à ceux qui me regardent recevoir sa hargne. Elle n'est pas hypocrite, elle joue ouvertement un rôle infâme. Il y a une hiérarchie dans le mal, et ce n'est pas la kapo Zdena qui occupe la place la plus répugnante" nous dit Pannonique (p.93).
Amélie Nothomb aborde en plus d'autres questionnements, qui sont aussi importants dans le récit lui-même: l'importance de nommer et de se nommer (la question du prénom revient tout au long de l'histoire) , l'utilité de la langue (voir citation p.109b), la place de la religion et de Dieu, et la définition de la morale, du manichéisme bien-mal.
Et nous, lecteurs, comment nous plaçons-nous ? Avec notre recul, nous pensons "Jamais je n'aurais fait une telle chose". Pourtant, ce que cette lecture nous montre, c'est que nous aurions fini dans l'engrenage, et surtout de notre plein gré...
Une lecture dérangeante, géniale et essentielle.
Car s'il y a une chose à retenir de cette histoire:
Pas
de date, pas de lieu. Ce récit peut prendre place n'importe où,
n'importe quand dans notre société. Et c'est aussi cela qui effraie.
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9: "Vint le moment où la souffrance des autres ne leur suffit plus; il leur en fallut le spectacle"
109a: "Il est beaucoup plus difficile de battre un individu dont on connaît le nom"
109b: "Le langage est moins pratique qu'esthétique. Si, voulant parler d'une rose, on ne disposait d'aucun vocable, si l'on devait à chaque fois dire "la chose qui se déploie au printemps et qui sent bon", la chose en question serait beaucoup moins belle. Et quand le mot est un mot luxueux, à savoir son nom, sa mission est de révéler la beauté."
113a:" Nous avions raison. Profiter des futilités de la vie, c'est un joli talent."
113b: "-Ce que nous vivons est une guerre. La guerre révèle la nature profonde des êtres.
-Je n'aime pas cette idée. Cela suggérerait que nous avons besoin d'épreuves. Je pense que la guerre révèle seulement l'une de nos natures profondes. J'aurais préféré vous montrer ma nature profonde de paix."
119: "L'ultime responsabilité revient à celui qui accepte de voir un spectacle aussi facile à refuser."
125:"Si tu parles, tu meurs; si tu ne parles pas, tu meurs. Alors parle et meurs."
142: "Ne baisse pas les bras: tu risquerais de le faire une heure avant le miracle."